Le project Ears and Eyes est une base de données recensant les cas de dispositifs de surveillance physiques (microphones, caméras, balises GPS…) dissimulés par les agences de maintien de l'ordre et les agences de renseignement pour surveiller des personnes ou des groupes engagés dans des activités subversives. Notre objectif est d'aider les cibles potentielles de ces pratiques de surveillance à mieux les comprendre et les combattre.
Vue d'ensemble
Cette section donne un bref aperçu des dispositifs de surveillance inclus dans la base de données. Elle vise à répondre aux questions courantes qu'on peut se poser sur ces dispositifs.
Quand est-ce qu'ils sont installés ?
Micros trouvés dans une prise électrique dans un bâtiment à Bologne, Italie, en janvier 2018.
Les dispositifs de surveillance physique dissimulés sont généralement utilisés par les agences de maintien de l'ordre et de renseignement pour obtenir des informations sur une cible lorsque les méthodes de surveillance traditionnelles sont insuffisantes. Par exemple, si un suspect ne discute jamais de sujets sensibles au téléphone, ce qui rend la surveillance de son téléphone inutile, les forces de l'ordre peuvent avoir recours à l'installation d'un microphone caché au domicile du suspect, dans l'espoir de capter des conversations intéressantes. Dans de nombreux pays, l'installation de tels dispositifs est réglementée par la loi et doit être approuvée par un juge.
Les dispositifs sont souvent installés pour de la surveillance à long terme et peuvent rester en place pendant des semaines, des mois ou des années avant d'être retirés ou, dans certains cas, découverts par les personnes surveillées. Ils peuvent également être installés pour la surveillance à court terme d'événements spécifiques.
Où est-ce qu'ils sont cachés ?
Des micros et une balise GPS trouvés dans la boîte à fusibles d'une voiture à Lecce, Italie, en décembre 2017.
Dans des bâtiments
Des microphones et des caméras peuvent être installés dans des bâtiments pour surveiller ce qui s'y passe. De tels dispositifs ont été trouvés :
- Dans des objets : des prises électriques, des plafonniers, des bouches d'aération, des multiprises, des interphones et des compteurs électriques.
- Dans des meubles : un amplificateur, une télévision, une imprimante et une hotte de cuisine.
- Derrière des murs, des plafonds et des sols.
Des microphones et des caméras peuvent également être installés dans des bâtiments proches du lieu sous surveillance. Généralement, ils sont installés derrière des fenêtres afin de pouvoir surveiller le lieu sous surveillance, son entrée principale ou le chemin qui y mène.
Dans des véhicules
Des microphones et des dispositifs de localisation peuvent être installés dans tous types de véhicules : voitures, camions, motos, vélos, etc. De tels dispositifs ont été trouvés :
- Dans des parties de véhicules accessibles de l'extérieur : à l'intérieur d'une roue, dans un support de roue de secours, sur un pare-chocs arrière, derrière la grille d'un klaxon, derrière la grille de ventilation d'une batterie, ou à l'intérieur d'une selle de vélo. Ils sont parfois attachés par des aimants.
- À l'intérieur de véhicules : entre la carrosserie et le revêtement intérieur, à l'intérieur du plafond d'une voiture, dans une bouche d'aération intérieure, dans les appuie-tête des sièges d'une voiture, derrière un compteur de vitesse ou à l'intérieur d'une boîte à fusibles.
Ailleurs
Des microphones et des caméras peuvent également être installés en extérieur. De tels dispositifs ont été trouvés :
- En milieu urbain : dans des rues aux abords de lieux sous surveillance, par exemple à l'intérieur d'un faux boîtier électrique ou à l'intérieur d'un faux caillou.
- En milieu rural, cachés dans la végétation.
Comment est-ce qu'ils fonctionnent ?
Un dispositif avec carte SIM trouvé dans un véhicule en Italie, en août 2019.
Alimentation électrique
Les dispositifs ont besoin d'une alimentation électrique, laquelle peut être soit une batterie, soit le système électrique du bâtiment ou du véhicule dans lequel le dispositif est installé, soit les deux. Dans de rares cas, ils peuvent être alimentés par Power over Ethernet (PoE).
Pour économiser l'énergie de la batterie et rendre leur détection plus difficile, les dispositifs peuvent ne pas être allumés en permanence. Certains microphones ne s'allument que lorsqu'il y a du bruit. Certaines caméras peuvent utiliser un capteur infrarouge pour ne s'allumer que lorsqu'il y a du mouvement. Certains dispositifs de localisation installés sur des véhicules peuvent s'allumer uniquement lorsque le véhicule est démarré, ou uniquement lorsqu'il se déplace grâce à un capteur de mouvement.
Collecte de données
Différents dispositifs peuvent collecter différents types de données :
- Les microphones enregistrent du son.
- Les caméras enregistrent des images. Certaines caméras ont une vision infrarouge, ce qui leur permet de « voir dans le noir ».
- Les dispositifs de localisation peuvent enregistrer leur position géographique. Ils utilisent généralement le Global Positioning System (GPS), ce qui leur permet d'enregistrer leur position presque n'importe où sur la surface de la Terre. Dans de rares cas, les dispositifs équipés de cartes SIM peuvent enregistrer leur propre position en se connectant au réseau de téléphonie mobile et en utilisant les antennes relais auxquelles ils se connectent comme références géographiques.
Stockage des données
Il y a deux cas de figure :
- De nombreux dispositifs disposent d'un espace de stockage interne, par exemple une carte SD. Cela leur permet de stocker les données collectées afin que les espions n'aient pas à les récupérer en permanence.
- Certains appareils n'ont pas d'espace de stockage interne. Ils ne peuvent pas stocker les données collectées, qui doivent être récupérées en permanence par les espions, sous peine d'être perdues.
Récupération des données
Les données collectées par un dispositif doivent être récupérées par les espions à un moment ou à un autre. Il existe plusieurs techniques :
- La plupart des dispositifs sont équipés de cartes SIM, ce qui leur permet d'envoyer les données collectées via le réseau de téléphonie mobile.
- Dans de rares cas, les dispositifs sont équipés d'émetteurs radio, ce qui leur permet d'envoyer les données collectées sur des fréquences radio arbitraires. Cette technique nécessite qu'un autre appareil, un récepteur, se trouve à proximité pour recevoir le signal. Le récepteur peut être caché dans un bâtiment ou un véhicule appartenant aux espions.
Si un dispositif dispose d'un espace de stockage interne, les espions peuvent récupérer ses données en accédant physiquement au dispositif.
Comment les trouver ?
Une prise électrique démontée dans laquelle un micro a été trouvé, à Lecco, en Italie, en octobre 2010.
En premier lieu, les dispositifs peuvent être trouvés en les recherchant manuellement dans le lieu, le véhicule ou le milieu extérieur suspecté de contenir des dispositifs de surveillance. Si on soupçonne que des dispositifs ont été installés récemment, il peut être utile de chercher des choses qui ne sont pas à leur place, comme des objets ou des meubles qui ont pu être déplacés lors de leur installation. Il peut être utile d'avoir des outils adéquats, par exemple pour démonter des prises électriques dans un bâtiment ou pour démonter l'intérieur d'un véhicule. Si un dispositif est trouvé, il ne faut pas s'arrêter là : il peut y en avoir d'autres !
Des appareils de détection peuvent être achetés dans des magasins spécialisés ou sur Internet. Par exemple :
- Des détecteurs de fréquences radio pour détecter les dispositifs qui transmettent des données sur des fréquences radio au moment de la détection.
- Des détecteurs de lentilles de caméras pour détecter les caméras.
Le matériel professionnel — analyseurs de spectre, détecteurs de jonctions non linéaires, systèmes d'imagerie thermique — peut être plus efficace, mais est très coûteux et complexe à utiliser. Il est également possible de payer une entreprise spécialisée pour rechercher des dispositifs, mais c'est également très coûteux et ces entreprises ont parfois des liens étroits avec les autorités locales.
Méthodologie
Pour être inclus dans la base de données, un cas doit remplir les conditions suivantes :
- Un minimum d'informations doit être disponible sur les dispositifs, comme le lieu et la date où ils ont été utilisés, à quoi ils ressemblaient, etc. La simple mention d'un dispositif dans un article de presse ou un dossier d'enquête n'est pas suffisante.
- Les dispositifs doivent avoir été installés ou utilisés par une agence de maintien de l'ordre ou de renseignement — ou par une entreprise privée ou une milice agissant comme une agence de maintien de l'ordre ou de renseignement.
- Les dispositifs doivent viser des individus ou des groupes engagés dans des activités subversives. Cela exclut spécifiquement les dispositifs visant des agences gouvernementales ou des sociétés commerciales.
- Il doit y avoir une forte probabilité que le cas soit réel et pas une mise en scène. On évalue cette probabilité sur la base de notre connaissance du fonctionnement des agences de maintien de l'ordre et de renseignement et de notre expérience des réseaux subversifs.
Pour chaque cas, les informations suivantes sont fournies dans la mesure du possible :
- Le type de dispositifs, le lieu et la date de leur découverte, et leurs composants.
- Des photos des dispositifs.
- Des fichiers supplémentaires pertinents, comme des manuels d'utilisation des dispositifs.
- Les sources utilisées pour fournir ces informations.